Dans les années 80, face aux dérives de l’industrie pharmaceutique, des écoles privées se sont créées afin que perdurent les savoirs de l’herboriste, l’ARH a vu le jour en 1982 : ce nom « Association pour le Renouveau de l’Herboristerie » est évocateur de l’espoir et la revendication d’un retour à une reconnaissance du métier d’herboriste par les pouvoirs publics.

Solange Julien  a connu les débuts de l’association.

Bretonne et spécialiste des algues, infatigable curieuse de la nature et de ses trésors, enseignante depuis plusieurs années à l’ARH-IFH, Solange retrace pour nous la grande aventure que fut la création de l’Association pour le Renouveau de l’Herboristerie, et nous raconte ses passions liées au végétal, ainsi que son itinéraire professionnel, riche en rencontres décisives.

ARH-IFH : Bonjour Solange, quelle formation avez-vous suivie initialement ?

Solange Julien : Après le bac, je suis retournée chez mes parents agriculteurs en Bretagne, dans le bassin rennais. J’ai remarqué par voie de presse une formation en techniques du paysage, et celle-ci m’a poussée à entreprendre des études au Centre des Techniques du Paysage de 1971 à 1974. L’objectif était de concevoir l’aménagement de jardins pour des particuliers et pour les espaces verts des villes.

D’où vous est venu cet intérêt pour les plantes ?

Durant mon retour sur le domaine familial, j’ai pu découvrir le nom des arbres, le développement des plantes au fil des saisons, j’ai humé l’odeur de la terre et du foin… Cela a été le véritable déclic ! Ce temps passé m’a permis de comprendre que cette formation alliant bureau d’étude et terrain était pour « moi ». Le Centre d’Étude du Paysage dans le Val d’Oise, entouré de forêts, est devenu le lieu idéal. De plus je me suis passionnée pour la reconnaissance des plantes indigènes durant le week-end, avec mes amis de formation.
À la fin de mon cursus j’ai travaillé en Allemagne sur des projets de jardins pendant 2 années, en 1974 et 1976. Et en France, j’ai été enseignante dans un centre professionnel horticole de 1978 à 2007, dans les domaines de l’agronomie, la biologie végétale, l’écologie, la parasitologie, la connaissance des plantes indigènes et cultivées, j’avais la responsabilité de plusieurs classes.

Dans les Monts d’Arrée, de l’œnanthe en forêt, en bord de mer

Et l’ARH ?

J’ai repéré une annonce dans le « Lien horticole » : « formation en plantes médicinales »… Je me suis donc rendue au « Salon du Bien Être » à Paris afin de rencontrer des membres du bureau de l’ARH qui y tenaient un stand. Un press-book détaillait des mini-stages organisés par l’association : Maryse Tort, professeur en botanique à la faculté de Clermont-Ferrand en faisait partie. C’est à ce moment-là que j’ai fait la connaissance de Maryse, et ce fut la suite de mon aventure dans le monde du végétal.

La Montagne, parution du 16 juillet 1990.

En 1982 Maryse Tort me propose d’être son adjointe pour aider les adhérents le soir à la détermination des plantes, suite aux sorties botaniques : le Velay, le Périgord noir.
En 1988 elle met en place  un stage d’algologie en Bretagne à Roscoff (Finistère)… Quelle découverte ! Suite à ce stage de trois jours elle me demande de l’encadrer l’année suivante… J’ai émis des doutes, j’étais une bretonne de naissance mais je vivais en région parisienne !
Maryse ma donc inscrite à une formation « algues » à la Station biologique de Roscoff (elle-même avait suivi cette formation des années auparavant). J’ai été très reconnaissante qu’elle m’ait offert ces opportunités, et je le suis encore aujourd’hui. Puis dans le cadre d’un Congé Individuel de Formation, j’ai décidé de suivre une Licence en Biologie des Organismes et Populations à Rennes : une majeure partie des cours consacrés au milieu marin dont les algues, avec retour à Roscoff.

Promotion de l'ARH 1988-1990.

En 1988 la première formation ARH mise en place débute, et je fais partie du groupe des 9 élèves (dont Jean-Pierre Nicolas), c’était la promotion « Chêne ».
En 1992, après une expédition au Guatemala (invitée par Jean-Pierre et l’association « Médecins aux pieds nus »), j’ai mis en place et encadré des stages sur les algues marines, sur les plantes médicinales et aromatiques dans la Drôme, en région parisienne, ou en Normandie.
J’ai également mis en place et encadré, en partenariat avec d’autres organismes, des journées en herboristerie à Belle-Isle-en Mer par exemple, sans oublier plusieurs classes environnement avec mes élèves.

Quelques pages du Bulletin de liaison de l’Association pour le Renouveau de l’Herboristerie, octobre 1986.

En 1998 j’ai commencé une formation à Bobigny, en Seine-Saint-Denis durant 2 années, le sujet de mon mémoire était « Les plantes des milieux frais, humides et aquatiques qui soignent ». Après deux années de formation à Bobigny (DUMENAT) j’ai obtenu le diplôme de Conseiller en phytothérapie aromathérapie. J’ai rencontré peu après Marie-Jo Fourès qui venait de créer l’association Cap Santé à Plounéour-Ménez dans le Finistère. C’est ainsi que j’ai débuté des animations durant les vacances scolaires sur différents sujets : botanique, gemmothérapie, épices, herboristerie…. Tout en continuant à l’ARH. Lorsque la F.F.E.H ( Fédération Française des Écoles d’Herboristerie) a été créée, j’ai choisi de poursuivre à l’ARH pour me consacrer à cette mission, à la Fête des Simples par exemple.

Et aujourd’hui vos stages en Bretagne ?

Je programme des stages de 4 jours en fonction des coefficients de marées, et pour les élèves ou anciens élèves de l’ARH-IFH, un module professionnel : « Étude des algues marines et leur utilisation en Herboristerie ».

Faites-vous des sorties botaniques ?

Oui, par exemple pour l’association « Eaux et Rivières » à Belle-Ile en Terre dans les Côtes-d’Armor : plantes comestibles, toxiques, médicinales, tinctoriales.
Pour d’autres organismes, à la demande, sur divers thèmes : plantes des dunes, bords de chemins, de trottoirs, plantes aromatiques, des landes , tourbières, des eaux saumâtres…
Venant de créer récemment une « micro entreprise », des sorties sur le terrain d’une durée de 2h30 sont proposées (voir ma page Facebook « FloreAnim »)

Par ailleurs, je participe tous les ans à la Fête de la Nature.

Stage d’algologie pour l’ARH-IFH, 2011.

Avez-vous remarqué une évolution dans la prise de conscience du public, par rapport aux bienfaits des plantes ?

Oui tout à fait, les personnes côtoyées connaissent peu ou mal le végétal, il y a une rupture de transmission des connaissances entre les générations, un manque de connexion avec leur environnement végétalisé… D’où une soif d’apprendre… Donc notre rôle de transmission et de partage est d’autant plus important.

Est-ce qu’il y a encore des choses nouvelles que vous aimeriez étudier ?

Bien sûr, je me penche et m’interroge sur le rapport entre la faune, surtout les insectes, et la flore. Pourquoi cette attirance pour telle ou telle couleur, les odeurs des fleurs. Je fais beaucoup de photographies des insectes de mon jardin surtout et travaille à leur identification.
J’ai commencé l’étiquetage des plantes de mon jardin en français et en breton, et je souhaiterais aller plus loin : étudier l’étymologie des noms de plantes indigènes, les liens entre leur morphologie, leurs habitats, les usages traditionnels. L’idée serait de réaliser un petit document destiné aux écoles de ma commune…

« Apprendre sans cesse, échanger et transmettre nous fait progresser… Émerveillements… »

Merci beaucoup Solange.

Solange Julien

36 rue de la Halte
29670 Henvic